POESIE : Le visiteur
Publié : 25 avr. 2023 18:36
J'ai zappé hier l'envoi de mon poème hebdomadaire... voici l'oubli réparé.
Ce "visiteur" est un hommage à un charmant monsieur âgé, que l'une de mes collègues m'avait fait rencontrer en m'invitant au restaurant proche de notre bureau, qui écrivait des pièces de théâtre (jamais mises en scène) et de nombreux poèmes (jamais publiés). Nous nous étions liés d'amitié et je dois reconnaître que c'est grâce à lui que j'ai "attrapé le virus" de la poésie...
Il avait composé un poème dédié au bistro dénommé "des Châtelaines" (du nom de la route qui passe devant) que mon mari a tenu pendant 4 ans, de 1978 à 1982. Quand nous avons quitté ce commerce, nous avions accroché le poème, dans un cadre de bois, dans le couloir d'entrée de notre maison. Jusqu'au soir où soudainement, le cadre s'est soulevé, a sauté hors de son crochet (lequel était resté solidement en place) et est venu rouler à mes pieds comme s'il avait été ensorcelé... Au même moment, je l'ai appris le lendemain, mon vieil ami avait été frappé d'un AVC et ce n'est que le lendemain matin qu'il avait été découvert par sa logeuse, inquiète de ne pas le voir sortir ; juste au moment où il était placé dans l'ambulance de secours, je suis passée là en voiture et j'ai tout de suite compris qu'il lui était arrivé malheur... J'en avais déjà le pressentiment depuis la veille.
Ne faisant pas partie de la famille, le personnel de l'hôpital a refusé de m'informer sur son sort, se bornant à me dire qu'il avait été transféré à Dijon... puis, plus rien pendant un an. Il avait 75 ans lors de son décès. Mon poème explique la suite...
Comme il était plus parisien qu'avallonnais (il ne venait là que pour visiter sa vieille mère, qui elle, a survécu jusqu'à 99 ans), je le croyais inhumé à Paris et je n'avais plus cherché à obtenir de ses nouvelles, sa mère étant grabataire et ignorante du sort de son fils, d'après le personnel de l'hôpital qui m'avait interdit de lui en parler…. Cela se passait en 1986, c'était encore le Moyen-Age dans le milieu hospitalier avec la loi du silence et du secret...
Le visiteur
************
Vieillard chenu, maigre à faire peur,
On t'appelait le "visiteur",
Car tu nous avais confessé
Que "les femmes, tu aimais visiter"...
De la gent féminine grand amateur
Citant volontiers le génial auteur
Guitry, qui se déclarait "contre… tout contre"
Tu aurais voulu l'imiter, sans honte.
Ecrivain méconnu et poète à tes heures,
Tu as voulu m'offrir, pour mon plus grand bonheur,
Une divine poésie, à la gloire d'une taverne
Que je n'ai pas tenue longtemps sous ma gouverne…
Ainsi, ta poésie s'est-elle retrouvée
Accrochée sur le mur de mon entrée privée
Jusqu'au soir où, soudain, son cadre se souleva
Et très étrangement, à mes pieds, il roula…
Aussitôt envahie d'un noir pressentiment
Ta maladie ne me surprit nullement !
Et quand je te rendis visite à l'hôpital,
Je compris l'imminence de son issue fatale.
De l'envol de ton âme, je n' fus pas informée,
Il se passa un an. Puis, de toi, je rêvai
Et, dès le jour suivant, par ce songe intriguée,
J'en parlai à l'amie dont l'époux, marbrier,
Au soir du même jour, justement, raconta
Que dans le cimetière, sur ta tombe, il passa.
Bizarre coïncidence, c'est ainsi que j'appris
Que tu reposais là et non pas à Paris !…
Alors, vois-tu, mon cher vieux visiteur,
J'ai apporté, où tu gis, quelques fleurs
En souvenir de l'ancienne amitié
Qui d'une profonde léthargie, m'a tirée.
Je t'adresse un très vif remerciement
Pour tous les bienheureux moments,
Nos bavardages, et le virus de la poésie
Que ton esprit m'a transmis aujourd'hui !…
(D.J. - Avril 1994)
Bonne lecture à tous et toutes ! Dany.
Ce "visiteur" est un hommage à un charmant monsieur âgé, que l'une de mes collègues m'avait fait rencontrer en m'invitant au restaurant proche de notre bureau, qui écrivait des pièces de théâtre (jamais mises en scène) et de nombreux poèmes (jamais publiés). Nous nous étions liés d'amitié et je dois reconnaître que c'est grâce à lui que j'ai "attrapé le virus" de la poésie...
Il avait composé un poème dédié au bistro dénommé "des Châtelaines" (du nom de la route qui passe devant) que mon mari a tenu pendant 4 ans, de 1978 à 1982. Quand nous avons quitté ce commerce, nous avions accroché le poème, dans un cadre de bois, dans le couloir d'entrée de notre maison. Jusqu'au soir où soudainement, le cadre s'est soulevé, a sauté hors de son crochet (lequel était resté solidement en place) et est venu rouler à mes pieds comme s'il avait été ensorcelé... Au même moment, je l'ai appris le lendemain, mon vieil ami avait été frappé d'un AVC et ce n'est que le lendemain matin qu'il avait été découvert par sa logeuse, inquiète de ne pas le voir sortir ; juste au moment où il était placé dans l'ambulance de secours, je suis passée là en voiture et j'ai tout de suite compris qu'il lui était arrivé malheur... J'en avais déjà le pressentiment depuis la veille.
Ne faisant pas partie de la famille, le personnel de l'hôpital a refusé de m'informer sur son sort, se bornant à me dire qu'il avait été transféré à Dijon... puis, plus rien pendant un an. Il avait 75 ans lors de son décès. Mon poème explique la suite...
Comme il était plus parisien qu'avallonnais (il ne venait là que pour visiter sa vieille mère, qui elle, a survécu jusqu'à 99 ans), je le croyais inhumé à Paris et je n'avais plus cherché à obtenir de ses nouvelles, sa mère étant grabataire et ignorante du sort de son fils, d'après le personnel de l'hôpital qui m'avait interdit de lui en parler…. Cela se passait en 1986, c'était encore le Moyen-Age dans le milieu hospitalier avec la loi du silence et du secret...
Le visiteur
************
Vieillard chenu, maigre à faire peur,
On t'appelait le "visiteur",
Car tu nous avais confessé
Que "les femmes, tu aimais visiter"...
De la gent féminine grand amateur
Citant volontiers le génial auteur
Guitry, qui se déclarait "contre… tout contre"
Tu aurais voulu l'imiter, sans honte.
Ecrivain méconnu et poète à tes heures,
Tu as voulu m'offrir, pour mon plus grand bonheur,
Une divine poésie, à la gloire d'une taverne
Que je n'ai pas tenue longtemps sous ma gouverne…
Ainsi, ta poésie s'est-elle retrouvée
Accrochée sur le mur de mon entrée privée
Jusqu'au soir où, soudain, son cadre se souleva
Et très étrangement, à mes pieds, il roula…
Aussitôt envahie d'un noir pressentiment
Ta maladie ne me surprit nullement !
Et quand je te rendis visite à l'hôpital,
Je compris l'imminence de son issue fatale.
De l'envol de ton âme, je n' fus pas informée,
Il se passa un an. Puis, de toi, je rêvai
Et, dès le jour suivant, par ce songe intriguée,
J'en parlai à l'amie dont l'époux, marbrier,
Au soir du même jour, justement, raconta
Que dans le cimetière, sur ta tombe, il passa.
Bizarre coïncidence, c'est ainsi que j'appris
Que tu reposais là et non pas à Paris !…
Alors, vois-tu, mon cher vieux visiteur,
J'ai apporté, où tu gis, quelques fleurs
En souvenir de l'ancienne amitié
Qui d'une profonde léthargie, m'a tirée.
Je t'adresse un très vif remerciement
Pour tous les bienheureux moments,
Nos bavardages, et le virus de la poésie
Que ton esprit m'a transmis aujourd'hui !…
(D.J. - Avril 1994)
Bonne lecture à tous et toutes ! Dany.